L’accord de l’été, conclu dans la nuit de dimanche à lundi par la coalition Arizona, affiche des marqueurs politiques très nets. Les Engagés sont satisfaits, mais doivent peut-être changer leur ligne, estime Pascal Delwit.
L’accord de l’été, ou du 21 juillet, n’est pas arrivé sans quelques pétarades et feux d’artifice au sein de l’Arizona. La tension montait depuis plusieurs semaines entre les Engagés, Vooruit et le reste de l’exécutif régional. Le président des Engagés, Yvan Verougstraete, avait menacé de bloquer la réforme du chômage si les CPAS n’étaient pas refinancés. Et Vooruit de faire de même afin d’obtenir sa taxe sur les plus-values.
Même dans un système politique basé sur le compromis, et même quand la pression monte, il y a des gagnants et des perdants. Les Engagés, qui avaient estimé le coût de la réforme du chômage à hauteur de 400 millions d’euros, en auront obtenu 300 pour les CPAS. La fusion des zones de police a induit un incitant de 55 millions d’euros en attendant la réforme de la norme KUL, ce qui a suscité la colère du président des Engagés bruxellois, qui en espérait au moins quatre fois plus. Vooruit, pour sa part, met sa réforme de la santé au frigo jusque 2028 en attendant les avis des professionnels du secteur.
Aucun regret, pourtant, du côté du second parti francophone, assure la cheffe du groupe des Engagés à la Chambre, Aurore Tourneur. «Nous sommes convaincus que, face aux défis majeurs de notre pays, il faut le courage d’assumer des réformes profondes et nécessaires. Dans chaque mesure de cet accord de l’été, nous avons veillé à ce que les réformes soient balisées, justes et cohérentes avec nos valeurs. Et il en ressort un accord tout à fait équilibré.»
«Les Engagés n’ont rien à défendre»
Que des vainqueurs et pas de perdants, alors? C’est aussi une histoire de communication. «Et on est toujours à l’avantage lorsqu’on est à l’initiative, assure le politologue du Cevipol (Centre d’Etude de la Vie Politique de l’ULB), Pascal Delwit. En ce sens, les gagnants sont le MR et la N-VA. Le CD&V et Les Engagés ne sont pas les perdants, mais ils ne peuvent rien présenter si ce n’est d’avoir amorti la célérité des processus entamés. Vooruit peut dire que le ver est dans le fruit, mais c’est le principal perdant.»
La formation de droite, «de centre-droit si l’on veut être gentil ou du centre si l’on veut être très très gentil», s’est mise en porte-à-faux, selon Pascal Delwit, face à ceux qui les ont fait gagner les élections il y a un an. «Le discours à l’égard des agents de la fonction publique risque de poser problème. Les Engagés ont fait campagne sur le renforcement des services publics, mais c’est le secteur le plus abîmé par l’accord de l’été. Je pense qu’ils ont fâché des gens qui ont voté pour eux.»
Faible dans l’accord de l’été pour être fort dans l’accord de l’automne?
«Une législature dure cinq ans, tempère le député libéral Mathieu Michel. On ne peut tout avoir tout de suite. Ce genre d’accord aboutit toujours à l’addition des victoires de chaque parti dont on cherche un marqueur dans l’accord. J’en sais quelque chose. Les plus-values, par exemple, c’est une victoire Vooruit trop marquée Vooruit. Mais l’accord de l’été ne doit pas se lire comme une île au milieu de rien, il faut le prendre dans un contexte.» Un contexte qui relève du «basculement de société», comme le soutient le chef de groupe MR, Benoît Piedboeuf. «Je suis content qu’il y ait un accord, ça renforce une série de mesures déjà votées sur la flexibilisation du travail. Sur la santé, on sentait qu’on allait à la catastrophe avec le projet de Vandenbroucke, Les Engagés étaient d’accord avec nous là-dessus.»
«Quand vous n’avez pas de levier pour arriver à votre fin, et que votre interlocuteur a un élément de blocage, il n’y a pas de raison qu’il fasse de cadeau.»
Dans une course cycliste, mieux vaut rester dans la roue de l’adversaire pour préserver son énergie et attaquer dans les derniers mètres. Alors que la construction du budget arrive, et qu’elle s’annonce complexe, Engagés et Vooruit envisagent-ils de faire valoir leurs concessions estivales? «Généralement, ce qui est obtenu est définitif et chaque parti voudra absolument quelque chose d’autre à la prochaine négociation, assure Pascal Delwit. Quand vous n’avez pas de levier pour arriver à votre fin, et que votre interlocuteur a un élément de blocage, il n’y a pas de raison qu’il fasse de cadeau.» Reste l’option de la menace de débrancher la prise, mais celle-ci ne peut être brandie qu’une fois.